Mars 2019, à El Estor, dans le sud-est du Guatemala. Il fait nuit noire sur le lac Izabal. A la lumière d’ampoules vacillantes, une petite équipe de journalistes, réunie par le collectif Forbidden Stories, fait le point. Tous sont venus d’Europe pour enquêter sur les pratiques controversées d’un géant de l’industrie minière, Solway, qui exploite, à quelques kilomètres de là, la mine Fenix, l’un des plus gros gisements de nickel d’Amérique centrale. Ce métal, utilisé pour la fabrication d’alliages et d’acier inoxydables, est si difficile à raffiner qu’il traîne, depuis l’origine des temps, le surnom de « cuivre du diable ».
Pour les journalistes, le contexte s’annonce tendu. Arrivée au début des années 2010 dans cette agglomération de quelque 100 000 habitants, succession de maisons en dur et de baraques en tôle, la compagnie Solway, basée en Suisse mais dirigée par des Russes et des Estoniens, et dotée d’une holding à Malte, est soupçonnée de graves atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement. Le sujet est d’autant plus inflammable que le lac Izabal, le plus vaste du pays avec ses 590 kilomètres carrés, abrite un écosystème unique. Il est vital pour cette région, largement dépendante de l’agriculture et de la pêche.
Les habitants, en majorité des Mayas de langue kekchie, entretiennent un rapport sacré à cette terre et à cette immense étendue d’eau, aujourd’hui menacée par les rejets résultant de l’activité minière à ciel ouvert. D’aussi loin que remonte la mémoire collective, ils ont subi l’expansion brutale des multinationales minières. La trouée rouge provoquée par la mine Fenix sur les flancs des montagnes de la sierra de Santa Cruz en est la dernière preuve en date, et elle ne cesse de s’étendre, au milieu de la forêt tropicale.
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